Cour de cassation, 5 janvier 2022, n°19 22.030
La Cour de cassation a rendu, au début du mois de janvier 2022, une décision intéressante en matière d’inventions de salariés.
L’article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une dévolution automatique des droits à l’invention réalisée par un salarié investi d’une mission inventive au profit de l’employeur.
La jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, rendue dans une affaire aux faits complexes, était stricte quant à la qualité de celui qui pouvait se prévaloir de ces droits. Cela autorisait ainsi un salarié à revendiquer la propriété d’un brevet déposé sur ses travaux par un cessionnaire de l’employeur[1].
La Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence par une décision du 5 janvier 2022.
En substance, la Cour juge (points 9 et 10) que :
– En vertu des dispositions précitées du Code de la propriété intellectuelle, les droits sur les inventions de mission sont la propriété de l’employeur,
– Aucune disposition n’empêche l’employeur de céder ses droits à un tiers,
– Le cessionnaire qui dépose le brevet peut opposer le fait que le brevet porte sur une invention de mission au salarié qui en revendique la propriété, considérant que ce dernier n’a jamais eu aucun droit à cet égard.
Sur la base de cette nouvelle jurisprudence, les employeurs sont donc libres de céder leurs droits sur les inventions de leurs employés à tout tiers qu’ils souhaitent, sans que la titularité sur d’éventuels brevets soit remise en question.
Les conséquences pratiques peuvent être importantes au sein de groupes de sociétés, dont les portefeuilles de brevets ne sont pas toujours détenus par l’entité employant les salariés. Ceci pouvait causer des incertitudes dans la gestion des portefeuilles de brevets.
Bien que cette décision soit intéressante, elle soulève plusieurs questions importantes, laissées sans réponse.
En particulier, il n’est pas clair comment évaluer le brevet s’il est cédé à une autre société du groupe, ou à un tiers. Dans ce cas, la valeur économique de l’invention est difficile à évaluer et la rémunération supplémentaire due à l’employé (qui est largement basée sur ladite valeur économique en vertu de la jurisprudence) est difficile à définir correctement.
Cette décision laisse plus de liberté aux employeurs dans la gestion et la valorisation des travaux de leurs salariés.
Néanmoins, elle leur impose toujours de faire preuve de rigueur dans l’élaboration de chaînes de droits sur ces travaux et de surveiller de près les réclamations qui pourraient être faites par leurs employés inventeurs, ainsi que leurs conséquences.
[1] Cour de cassation, 31 janvier 2018, n°16-13.262