Dans cette décision importante (UPC_CoA_30/2024 APL_ 4000/2024 Fives ECL, SAS vs. REEL GmbH), la cour d’appel a statué sur la compétence de la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB) pour se prononcer sur les dommages d’une contrefaçon décidée par une juridiction nationale, ainsi que sur sa compétence concernant des actes de contrefaçon commis avant l’entrée en vigueur de l’Accord relatif à une Juridiction Unifiée du Brevet (AJUB).
Contexte
Avant l’entrée en vigueur de l’AJUB le 1er juin 2023, Fives a engagé une action contre REEL devant le tribunal régional de Düsseldorf (Allemagne) pour contrefaçon de la partie allemande d’un brevet européen.
Le 9 août 2022, le tribunal régional de Düsseldorf a rendu un jugement ordonnant à REEL d’indemniser Fives pour l’ensemble des dommages subis depuis le 2 décembre 2016.
Le 8 août 2023, Fives a engagé une action contre REEL devant la Juridiction Unifiée du Brevet (JUB), division locale de Hambourg, demandant la détermination des dommages.
REEL a contesté la compétence de la JUB pour examiner cette demande de détermination des dommages.
La division locale de Hambourg a rejeté l’action déterminant des dommages, considérant que la JUB n’est pas compétente pour statuer sur des actions en dommages fondées sur des procédures de contrefaçon devenues définitives devant un tribunal national.
La division locale a estimé que l’AJUB ne confère compétence à la JUB pour fixer des dommages qu’après qu’une action préalable en contrefaçon a été engagée devant la JUB. La reconnaissance d’un jugement national accordant des dommages en vertu du règlement Bruxelles I bis ne peut pas établir la compétence de la JUB pour statuer sur ces dommages.
Décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel n’a pas suivi le raisonnement de la division locale de Düsseldorf.
La Cour d’appel a considéré la JUB comme une juridiction d’un État membre. Comme les juridictions nationales reconnaissent leurs propres jugements, il n’est pas nécessaire que le règlement prévoie une reconnaissance par la JUB des décisions rendues par les juridictions d’un État membre contractant. De plus, la Cour d’appel a admis qu’il pouvait exister des actions devant la JUB portant uniquement sur des dommages, notamment en cas de contrefaçon non contestée. Elle a également souligné que, selon le choix de la juridiction compétente, la possibilité de résultats divergents est déjà acceptée en raison du régime transitoire de l’AJUB.
Finalement, la Cour d’appel a conclu que la compétence de la JUB inclut une action séparée pour détermination des dommages après qu’un tribunal national a constaté l’existence d’une contrefaçon d’un brevet européen et établi l’obligation de l’auteur de la contrefaçon de verser des dommages.
En outre, la JUB est compétente pour statuer sur des actes de contrefaçon commis avant l’entrée en vigueur de l’AJUB le 1er juin 2023, tant que le brevet européen invoqué n’était pas encore expiré à cette date.
Cette décision augmente le nombre d’actions pouvant être portées devant la JUB. De plus, elle clarifie l’applicabilité temporelle de l’AJUB.